French:

“L’entraînement « pont et cible » : au-delà de la modification du comportement ”
(Bridge and Target Training: Beyond Behavior Modification) by Kayce Cover, Celine Dumont, trad.a. cedumlab@hotmail.com

L’entraînement « pont et cible », mis au point d’après le conditionnement traditionnel et opérant du domaine de l’entraînement des mammifères marins, constitue un outil important de la gestion humaine et éclairée des animaux. Deux aspects distincts de cette technique, le PONT INTERMÉDIAIRE ET LA CIBLE, présentés ici vont au-delà du conditionnement opérant et permettent une meilleure communication entre l’humain et les animaux. Un bon comportement est toujours récompensé par un pont, mais la récompense sous forme de nourriture n’est donnée que dans 20 à 30 % des cas et le genre, la fréquence et la quantité de nourriture varient de façon aléatoire. Des applications réussies auprès de nombreuses espèces sont présentées, notamment avec des chevaux, des porcs, des pigeons, des chiens et des grenouilles. De la nourriture est rarement donnée en guise de récompense. D’autres types de récompenses sont exploités ou d’autres éléments de motivation peuvent être créés en cherchant à connaître les désirs d’un animal en particulier ou en les découvrant. Cela devient alors un agent renforçateur secondaire. Des exemples de réalisations entre entraîneur et animal sont également présentés.

INTRODUCTION

Nous pouvons ne pas nous sentir à la hauteur de nos propres normes de soins et de conduite envers les animaux pour des motifs divers. Ainsi, nous souhaitons administrer de bons soins de santé à notre animal, sans lui causer trop de stress, mais nous pouvons dévier de notre but s’il ne nous laisse pas procéder à un examen routinier, nous empêchant de déceler un problème de santé dès le début. Si l’animal refuse de coopérer à ses propres soins de santé, il a de fortes chances d’être anesthésié pour de simples procédures, ce qui entraîne parfois des risques importants pour l’animal. Dans le même ordre d’idées, lorsque nous apprenons quelque chose à un animal et que nous ne pouvons pas lui expliquer les choses de manière à ce qu’il comprenne, nous pouvons alors en venir à utiliser la force physique ou des moyens détournés pour que l’animal se conforme à nos désirs. Au cours des vingt dernières années environ, une méthode d’entraînement des animaux, qui nous permet de minimiser le traitement coercitif, invasif et limitatif de notre animal, tout en maximisant notre capacité à coopérer et à communiquer ensemble, a été mise au point dans le monde des mammifères marins. Cette technique a été développée à partir du conditionnement traditionnel et opérant. Je l’appelle l’entraînement « pont et cible » (Bridge and Target).

Note de la rédaction

J’ai découvert que l’entraînement « pont et cible », qui connaît un succès étonnant comme c’est le cas des techniques de modification du comportement les plus populaires, utilise la compréhension empathique quand elle est pratiquée à son meilleur. Les forces dynamiques de l’entraînement « pont et cible » sont nombreuses et je crois que certaines ne sont pas encore comprises. Cela a trait à la communication claire, aux récompenses, à la curiosité, à la relation entre l’entraîneur et le sujet, au caractère compulsif de certaines espèces et au sujet lui-même, et bien plus encore! L’entraînement « pont et cible » permet aux personnes de communiquer avec les animaux avec une facilité déconcertante et sans recourir à la force physique ni à la contrainte. Bien que cette technique ait été utilisée à divers degrés de raffinement dans le domaine des mammifères marins depuis de nombreuses années, il était difficile d’en avoir une description pour quiconque ne travaillait pas dans cette industrie. La plupart de personnes engagées activement dans l’élaboration de cette technique s’intéressent davantage à divertir le public qu’à publier le résultat de leurs recherches dans des revues spécialisées. De plus, de nombreuses installations où ces techniques ont été développées considèrent qu’elles leur appartiennent et, bien qu’elles possèdent des manuels pour leur propre usage, elles ne sont pas intéressées à faire connaître leurs techniques.

LE PONT

Après avoir cherché longtemps de la documentation sur le sujet à l’intention des universitaires, je n’ai rien trouvé. Donc, en 1990, j’ai rédigé un petit manuel décrivant les bases de la communication non verbale avec les animaux grâce à l’entraînement « pont et cible » (1993). Il diffère du conditionnement opérant ultramoderne de deux façons. Alors que les deux utilisent un stimulus conditionné (pont) pour indiquer au sujet qu’il a réussi son essai, l’entraînement « pont et cible » est unique en son genre parce qu’il utilise un pont intermédiaire. Ce pont intermédiaire indique au sujet qu’il est sur la
bonne voie, mais qu’il n’a pas encore terminé son essai, comme l’indice « tu brûles » dans le jeu où on doit chercher un objet caché. L’importance de ce petit ajout à la technique est fondamentale. Cela nous permet de guider le sujet à tout moment à mesure qu’il avance dans son apprentissage, de transformer un essai manqué en réussite, et de transposer un bon comportement à un nouveau défi. En plus, cela permet au sujet de raisonner réellement sur ce qui se passe et d’y réfléchir!

LA CIBLE

L’autre nouveauté de l’entraînement « pont et cible » est la cible. Bien que certaines personnes puissent trouver que cela ressemble au mécanisme à levier employé dans le conditionnement opérant et permettant d’obtenir de la nourriture, l’entraînement « pont et cible » va beaucoup plus loin. Dans une cage de Skinner, un animal est facilement conditionné à pousser un levier pour obtenir sa nourriture ou il est placé en situation pour obtenir une autre réponse, mais tout cela est fait dans un environnement très restreint et contrôlé, habituellement une cage. Il y a de fortes chances qu’un animal se trouvant dans des conditions aussi contrôlées pousse le levier dans sa recherche de la source de nourriture. Dans la réalité, pour qu’un animal fasse fonctionner un mécanisme quelconque, il doit tout d’abord le remarquer dans un environnement rempli de distractions et de possibilités. L’entraînement « pont et cible » aide le sujet à se concentrer sur la cible. Cela peut se faire en apprenant d’abord au sujet à toucher un point de contact, appelé couramment une cible, de préférence lorsqu’il se trouve dans un environnement contrôlé, un laboratoire ou un lieu réservé à l’entraînement par exemple. Ce pôle d’attraction peut ensuite être transféré du laboratoire au monde réel où nous pouvons maintenant attirer l’attention de l’animal sur un point et l’informer, habituellement par le biais d’une ou de plusieurs cibles.

Dans l’entraînement « pont et cible », le fait de cibler n’est pas directement lié à l’obtention de nourriture. Il est directement lié au fait de faire le pont, avec de la nourriture en récompense à l’occasion (dans moins de 20 pour cent des cas)! Il y a une différence entre le sujet qui veut la nourriture et celui qui agit dans le but de prendre contact avec une cible. Un animal concentré sur la nourriture n’a pas nécessairement l’esprit ouvert à l’apprentissage. N’avez-vous jamais remarqué que lorsqu’on suit une autre voiture pour se rendre quelque part, on ne remarque jamais le chemin emprunté parce que notre attention est portée sur la voiture que l’on suit? Si vous êtes capable de trouver votre chemin sur une carte, vous aurez probablement un meilleur aperçu des environs ou de la situation. Il est donc important d’apprendre au sujet à se concentrer sur les cibles comme des points de repère qui le guideront sur la voie à suivre et non comme des endroits où apparaîtra la nourriture. Pour ces motifs, nous apprenons aux animaux à passer par la nourriture pour atteindre les cibles dès le début de l’entraînement. Lorsque la cible est distincte du comportement associé à la nourriture, il est possible de présenter de nouvelles cibles aux points de contact, sans utiliser les indices liés à la nourriture ou à toute autre forme de renforcement. N’importe quelle partie du corps peut être ciblée ou plusieurs parties peuvent être ciblées à la fois. Toute cible peut être déplacée en fonction du corps de l’animal ou de son environnement.

Dans l’entraînement « pont et cible », la cible est présentée à l’animal en lui montrant exactement ce qu’il doit faire pour réussir. Les essais et erreurs sont éliminés. Une fois que l’animal a appris à entrer en contact avec une cible, avec son museau par exemple, il entrera en contact avec la cible chaque fois qu’elle lui sera présentée. Même si la cible lui est présentée à l’autre bout d’une pièce ou d’un champ, le sujet comprendra que s’il veut faire le pont, il doit se déplacer pour toucher la cible avec son museau. C’est la raison pour laquelle il est si facile d’apprendre à un animal à venir avec cette technique et de corriger tout aussi facilement les comportements de fuite. L’animal apprend en suivant une cible en mouvement, nous pouvons déterminer le mouvement ou le comportement. Les cibles peuvent être présentées à la suite l’une de l’autre pour obtenir certains comportements, des comportements complexes, des positions ou même pour communiquer des concepts comme « attends », dans un processus semblable au jeu des « points à relier ».

En résumé, l’introduction à un concept de cible bien défini permet :
1. de transmettre à l’animal les exigences précises de la réussite, éliminant les essais et les erreurs;
2. au sujet de concentrer son attention sur l’endroit où l’entraîneur livrera la prochaine information, dans un état d’esprit qui le prépare à apprendre (comparativement à la nourriture);
3. d’élargir notre champ de discussion avec le sujet parce que nous pouvons appliquer la cible à des parties du corps qui ne sont pas liées directement à l’alimentation (ainsi ni l’attention, ni les activités, ne sont limitées à la nourriture). De plus, les animaux apprennent rapidement à suivre ce système de sorte que nous pouvons leur montrer l’objectif final. Dès lors, ils travailleront avec nous pour y parvenir, parfois en améliorant les méthodes et les résultats.

LES FRUITS DE L’ENTRAÎNEMENT

À titre informatif, voici des exemples de l’application de l’entraînement « pont et cible » auprès de différents animaux, dans diverses situations.

Conduite générale

Nous établissons généralement des programmes de conduite pour les animaux qui leur permettent de participer aux soins que nous leur donnons. Rapporter le plat d’eau ou de nourriture, des jouets, une couverture, des ordures et des filets, permet à l’entraîneur de consacrer du temps à d’autres interactions intéressantes pour l’animal entraîné et donne à ce dernier un sentiment de POUVOIR. D’ailleurs, le sujet accepte généralement volontiers de déposer les ordures dans un grand sac ou une caisse. Le sujet peut apprendre à transporter des objets, à rapporter, notamment à se rapporter l’un l’autre, et à rapporter des objets qui sont hors de portée de l’entraîneur.

L’animal peut également apprendre à s’asseoir sans bouger sur une balance afin de se faire peser, à séparer un groupe lorsqu’on le lui demande, à prendre une place précise qui facilite l’alimentation d’un groupe et à accepter que chacun puisse manger en paix. Il peut également apprendre à ne pas pousser portes et barrières ou défier la personne qui le nourrit. J’avais l’habitude de nager (chargée de poissons) parmi un groupe d’otaries de Californie composé de mâles et femelles et tous me traitaient très poliment et me respectaient. J’ai découvert qu’il ne fallait que quelques minutes pour leur apprendre leur nom respectif et leur propre « indice d’emplacement » (à la manière des cartons de table lors d’un grand dîner). Ce processus réduit considérablement le stress lié à l’heure des repas dans des situations de groupes à la maison.

Les animaux qui ont été conditionnés à revenir à un signal ou à un appel seront probablement plus faciles à récupérer s’ils s’échappent. Nous avons réussi à récupérer plusieurs inséparables qui faisaient partie d’une colonie ayant appris seulement la base de l’entraînement « pont et cible ». Cela a pris environ 15 minutes pour les récupérer. Les oiseaux venaient au signal verbal cible « ici » et au signal d’un doigt posé sur un bras et une main étendus. Les oiseaux ont fait le pont vers la cible, soit toucher le doigt du bec, et ils ont quitté la cime des arbres pour voler vers nous. Une cliente de la Californie a
mentionné qu’un poney, qui avait été entraîné récemment à répondre à la méthode « pont et cible », avait sauté une barrière et se promenait sur un boulevard achalandé où de nombreux conducteurs exaspérés étaient bloqués. Elle l’a poursuivi, lui a ordonné de venir, l’a appelé par son nom, sans succès. Quand elle s’est souvenue de l’appeler vers la cible, le poney s’est retourné sur une pièce de dix cents et il a GALOPÉ vers elle. Il a attendu qu’elle lui passe un licou pour retourner à la maison, sous l’ovation debout de certains conducteurs frustrés! Parmi les autres résultats concluants qui m’ont été rapportés se trouvent :
1. Bob Cook et Jeanne Frost (communication personnelle, mai 1991) relativement à des occasions distinctes où ils ont appelé de grands chiens qui chassaient du bétail.
2. Susan Conway (communication personnelle, mars 1993) concernant l’appel d’un porc pour l’éloigner d’une querelle avec un autre porc lorsque tous les deux se sont croisés accidentellement. Susan a affirmé qu’elle se trouvait à plus de 100 pieds quand elle a entendu du bruit et qu’elle a appelé l’un des deux porcs.

Même les animaux qui se sauvent depuis longtemps lorsqu’on les appelle peuvent se corriger en 5 à 20 minutes. La technique habituelle suit les trois étapes suivantes :
1. Faire le pont avec la voix en disant « viens », ou le mot choisi, tout en donnant de la nourriture PENDANT que l’animal fait ce que vous voulez. Il a droit à trois essais.
2. Isoler le signal verbal en disant le mot et
3. ENSUITE lui présenter la nourriture ou le renforcement que le sujet préfère. Il a droit à trois essais.
4. Il s’agit maintenant du 7e essai, où vous donnez simplement le signal verbal avec la cible, par exemple deux doigts en extension, présentés de façon claire.
5. Habituellement, il n’est pas nécessaire d’utiliser de la nourriture ou un renforcement à cette étape, quoiqu’un programme variable de renforcement puisse être utilisé avec succès dans 33 pour cent des cas.

L’année dernière, j’ai donné un séminaire au cours duquel nos hôtes ont indiqué que toutes les applications auprès des chevaux semblaient intéressantes, mais que si nous parvenions à faire venir sur appel leur chienne, Emma, qui a l’habitude de s’enfuir, cela constituerait un élément très convaincant. Quelques minutes plus tard, Emma se précipita par la porte comme nous entrions, nous donnant ainsi l’occasion de relever le défi. En 15 à 20 minutes, elle arrivait à toute vitesse quand on l’appelait. Le lendemain, au cours du séminaire, j’ai présenté Emma comme étant une élève modèle. Puis nous l’avons laissé partir pour nous installer dans le manège de l’écurie. Environ une heure plus tard, j’ai reparlé d’Emma et je l’ai appelé vers la cible, même si elle n’était nulle part aux alentours. Après trente secondes environ, aucun signe d’Emma. Je l’ai appelé de nouveau, au cas où elle ne m’aurait pas entendu. Trente secondes plus tard, toujours pas d’Emma en vue. J’ai reconnu qu’elle pouvait être trop loin ou qu’elle n’avait peut-être pas envie de venir lorsque mon assistante m’a interrompue, attirant notre attention vers une grande fenêtre du deuxième étage où nous pouvions voir la petite Emma, à environ un demi-pâté de maisons, courant les oreilles battant au vent vers la cible! Lorsqu’il est entraîné à venir sur appel, le sujet peut profiter de plus de liberté. Les catastrophes, telles que perdre un animal lors d’un ouragan, peuvent être prévenues et on peut obtenir beaucoup plus de ce simple entraînement.

L’entraînement facilite la conduite générale des animaux, entres autres aspects il les amène à utiliser leur environnement, que ce soit un arbre artificiel distributeur de miel, toute la cour (incluant la modification des sentiers existants), des glissoires, des entrées racloir (pour enlever l’eau du pelage d’une loutre lorsqu’elle entre dans son terrier) ou des étrilles.

SOINS MÉDICAUX ET RECHERCHE SCIENTIFIQUE

Ce qui justifie en grande partie l’entraînement à des fins médicales et de recherche est la question du stress et de l’anesthésie. J’ai constaté que les réactions au stress constituent une cause majeure de maladie et de décès, que ce soit en raison d’une réponse immunitaire affaiblie, de la mise en marche du processus de combat ou de fuite à la suite d’une blessure et même de l’arrêt du développement. En plus de modifier la fonction immunitaire, le stress peut modifier d’autres aspects de la chimie du corps, faussant ainsi les résultats des recherches. Examinons les effets causés par l’évaluation du métabolisme de base d’un animal stressé compte tenu que la recherche indique qu’un animal stressé consomme plus d’oxygène que lorsque ce même animal atteint le point culminant d’un exercice (Ray et al., 1980). Cette recherche, pour laquelle les sujets étaient volontaires, comportait un profil de lafréquence respiratoire de baleines au repos, lors de sauts, pendant une nage très rapide et le profil de la fréquence respiratoire d’une femelle peu de temps après le décès de son compagnon. Après le décès de son compagnon, la femelle demeurait submergée la plupart du temps et sa fréquence respiratoire était aussi élevée ou plus élevée que sa fréquence respiratoire maximale.

À l’Université du Maryland, nous entraînons des porcs à rester immobiles de leur plein gré pendant une prise de sang effectuée dans la veine cave, à environ un pouce du cœur, à l’aide d’une aiguille de 5 pouces. Benny Erez a mentionné que le plus gros problème auquel il a dû faire face était qu’une fois entraînés, les porcs se bousculaient pour passer en premier. Il a dû prendre un peu plus de temps pour les entraîner à reconnaître leur nom et à venir seulement lorsqu’ils étaient appelés. Le temps total d’entraînement pour obtenir ce comportement était d’environ une heure par animal, réparti en minicours de 5 minutes ou moins, étalé sur deux semaines et demie.

J’ai de nombreux clients qui possèdent des Porcs du Vietnam devant être anesthésié invariablement pour des procédures aussi simples que les vaccins, les prises de sang et le parage du pied. Ces porcs coopèrent volontiers lors de ces procédures, sans qu’il soit nécessaire de les anesthésier, réduisant ainsi le stress, les risques et les frais. Cela peut prendre aussi peu qu’une journée pour préparer les porcs à recevoir les vaccins sans contention, de 3 à 7 minicours environ pour prendre la température rectale, une semaine environ pour le parage du pied et deux semaines pour une prise de sang. Dans les cas où l’animal doit quitter son territoire pour des traitements médicaux, il faut aussi lui apprendre à connaître le nouvel environnement et les personnes qui lui donneront le traitement.

Au zoo national de Washington, district de Columbia, nous avons entraîné tous les animaux de « Beaver Valley » à des fins de gestion générale et médicale. Nous avons également pris des échantillons de sang de phoques gris volontaires. Nous avons brossé les loups et traité leurs oreilles avec un insectifuge et une pommade, pris un échantillon de poil de la patte d’un ours polaire, examiné la canine cassée d’un ours sans anesthésie, brossé les dents et examiné la gueule des phoques et des otaries, et recueilli des échantillons d’urine de phoques gris. Nous avons également effectué des examens physiques rapides des deux types de pinnipèdes et appliqué un traitement topique aux yeux, aux oreilles et à la peau de ces animaux.

Les vétérinaires n’ont pas besoin de participer à l’entraînement, bien que l’animal doive apprendre à tolérer un certain nombre de personnes jouant le rôle du vétérinaire afin d’apprendre à percevoir le vétérinaire comme une de ces nombreuses personnes qui se préoccupent des fonctions corporelles de l’animal.

MODIFICATION DE LA PERCEPTION OU LE CONTRE-CONDITIONNEMENT

Dans le cadre de l’entraînement « pont et cible », la troisième chose que l’animal apprend à faire est à relaxer sur commande, une étape clé de leur préparation en vue de modifier leur attitude envers les choses. Afin d’apprendre à l’animal à relaxer sur commande, l’entraîner dit « doux », « x » ou le mot choisi, tout en massant les muscles de l’animal. Après peu de temps, le seul fait d’entendre le mot aide le sujet à relaxer. Les expressions contre-conditionnement, désensibilisation, acclimatation, accoutumance et modification de la perception, font référence à divers aspects du même processus. La « modification de la perception » (Cover, 1994) est la description du processus par lequel nous pouvons changer la façon de voir d’un animal en présence d’un événement donné. À titre d’exemple, en moins de 20 minutes, les entraîneurs peuvent calmer de manière importante des animaux effrayés ou agressifs. Nous pouvons apprendre à un sujet à aimer l’heure du bain, la tonte ou la pulvérisation et même à relaxer sur commande. Ce processus peut être tellement morcelé que le sujet ignore très souvent que le défi a été changé.

L’entraînement à la perception est un moyen de donner à l’animal des habiletés d’adaptation et de changer sa perception des événements stressants ou désagréables. Tel qu’il a été mentionné auparavant, Benny Erez a entraîné des porcs de marché à rester immobiles volontairement le temps d’effectuer une prise de sang. Puisque ces porcs avaient tous appris à vouloir passer en premier, c’est sûrement qu’ils percevaient la prise de sang de manière différente! Donc, cette seule procédure apporte trois avantages. Si nous considérons les signes manifestes de stress chez ces porcs, tels que courir, pousser des cris et se raidir, nous avons réduit le stress causé par le fait d’être contenu ou piqué par une aiguille et nous sommes parvenus à ce qu’ils « demandent » à avoir une prise de sang. Si le stress est réduit, les échantillons de sang sont de meilleure qualité, qu’ils soient destinés à la recherche ou à des analyses sanguines. Finalement, comme l’affirment les personnes participant aux procédures, nous réduisons grandement leur stress.

COMMUNICATION BIDIRECTIONNELLE

L’entraînement peut contribuer à établir des relations de confiance et de respect mutuel entre les personnes et les animaux. C’est aussi le moyen de mieux comprendre nos amis les animaux grâce à la communication directe. Parce que nous sommes devenus efficaces dans notre façon de transmettre de l’information aux animaux, l’art de l’entraînement est devenu banal. La motivation constitue désormais le véritable défi. Une part importante de la gestion de la motivation est de persuader l’animal de se révéler à nous, de sorte que nous pouvons comprendre ce qu’il veut (à ce moment précis). La manière la plus directe d’obtenir ce genre d’information est simplement de DEMANDER À L’ANIMAL CE QU’IL VEUT. Les animaux ont déjà appris à nous dire des choses, par exemple les abeilles nous ont indiqué la présence de types de champs électromagnétiques, une vache indique si elle a faim ou si elle souhaite rencontrer un taureau (Varner et al., 1988), comment s’appelle les parties de leur corps (les porcs et les chevaux) et le genre de nourriture qu’ils préfèrent (les chiens). Bien que, tout comme les humains, les animaux ne choisissent pas toujours ce qui est sain pour eux, ils peuvent assurément nous dire ce qu’ils préfèrent et cela peut être un élément important pour connaître dès maintenant #les dispositions d’un animal en vue de son bien-être.

Tout comme nous pouvons apprendre d’autres langues, la plupart des animaux peuvent apprendre quelques mots du langage humain, qu’ils puissent le parler ou non. Les animaux apprennent
invariablement des concepts tels que attendre, entrer, sortir, dessus, dessous, se rappeler une liste de choses, aller trouver un autre animal (ou un humain), aider un autre animal (ou un humain). Ils peuvent apprendre des signaux selon des modes différents, tels que des signaux visuels ou auditifs, et dans les langues différentes. Il faut seulement de 3 à 7 essais pour transposer un signal à un comportement, disons d’une langue à l’autre, ou pour transformer un mot en une action. Les animaux apprennent invariablement à répondre à des gestes aussi imperceptibles que le réflexe rotulien (Romer, 1989) ou la tension frontale comme dans le cas du cheval Clever Hans. La majorité des animaux entraînés que j’ai connus comprenaient plus de 200 signaux ou mots et étaient en train d’en apprendre d’autres avant que je cesse de compter. J’ai travaillé avec un porc qui pouvait discerner 8 couleurs, les nombres de 1 à 22, l’alphabet, 20 cartes éclair imagées et un certain nombre de mots. Nous sommes actuellement en train d’élargir le concept qu’il a de l’interrelation qui existe entre les noms, les images, les mots et les lettres. Je crois que ce sujet pourrait apprendre beaucoup d’anglais et possiblement apprendre à le lire, quoique l’anglais ne soit pas véritablement approprié pour parler avec les animaux parce qu’il s’agit d’une langue capricieuse et illogique. En anglais, les mêmes lettres représentent des sons différents ou aucun son, des mots se ressemblent, mais ont une signification différente, et des lettres se recoupent comme le « c », le « k » et le « s ».

Des poulets et des pigeons apprennent à s’habiller et à porter leur équipement, acceptant volontiers de passer leurs ailes dans les manches. Ces oiseaux, souvent considérés comme stupides, apprennent les bases de l’obéissance, peuvent « marcher au pied », venir sur appel, apprendre à apprécier l’heure du bain, à sauter dans la baignoire au signal, à accomplir une série complexe d’activités sans l’aide d’un humain. Lors d’un spectacle de poulets donné dans l’ouest, il n’y a eu ni bagarre, ni fraternisation entre nos vedettes, des poulets adultes mâles et femelles, et les poulets ont fait leurs « apparitions » au bon moment (comme le font de nombreux animaux dressés pour les spectacles). Cela a étonné bien des gens que les poulets apprennent aussi rapidement que les dauphins, les singes, les ours et les porcs… c’est simplement qu’ils ne font pas les mêmes choses. Les poulets sont meilleurs à certaines choses et moins bons à d’autres. Au Japon, j’ai vu un poisson entraîné à nager en respectant un ordre précis de passage dans des cercles de couleur, même lorsque l’ordre des cercles était changé, et un poisson entraîné à baisser un store pour indiquer la fermeture de l’aquarium. J’ai vu des grenouilles se tourner vers la pression des vagues, un poisson électrique reconnaître des champs électromagnétiques, des pigeons indiquer aux troupes les embuscades le long de routes au Vietnam ou chercher des pilotes dont les appareils s’étaient abîmés en mer, des chiens détecter des mouches bleues de la viande et des termites, des porcs renifler des drogues, des phoques retrouver les boîtes noires d’avions accidentés au-dessus de l’océan et des iguanes demeurer immobiles sur commande.

DIRECTION À SUIVRE POUR LES RECHERCHES FUTURES

Une contribution majeure au bien-être des animaux serait de leur apprendre le concept de la douleur liée à une partie du corps, de sorte qu’il suffirait de leur demander « où avez-vous mal? ». La communication entre les espèces représente la nouvelle frontière à franchir.

RÉFÉRENCES

COVER, K. « Changing bad times to good », Potbellied Pigs Magazine, (1994).

COVER, K., et J. ZELIGS. « The Syn Alia Series on
Animal Training », Bridge and target training
made easy. Auteur : Sarasota, Floride.

RAY, Roger D., et coll. Social organization and
synchrony in a pair of killer whales, compte
rendu de l’International Marine Animal Trainers
Conference, symposium tenu à Key Biscayne, Floride, octobre-novembre 1980.

ROMER, S. An educational pinniped performance
using subtle stimulus control and discrete visual
bridging, compte rendu de l’International Marine
Animal Trainers Conference, symposium tenu à
Chicago, Illinois, novembre 1989, p. 185-189.

VARNER, M., K. COVER et K. Clingerman. Use of
operant conditioning for identification of estrus
in Holstein heifers, compte rendu de l’assemblée
annuelle de l’American Association for the
Advancement of Science, symposium tenu à Boston,
Massachesetts, du 12 au 15 février 1988.

Kayce Cover
Bachelière ès sciences
Sarasota, Floride

Kayce Cover a obtenu un baccalauréat en sciences en 1990 de l’Université du Maryland, (et maintenent un MS en education en 2002). Elle entraîne des animaux exotiques et domestiques à de fins de recherche, d’éducation du public et de divertissement depuis plus de 20 ans. Madame Cover a travaillé à l’Université de la Californie à San Diego, à l’Institut Scripps d’océanographie, au Mystic Marinelife Aquarium, au Zoo national et à l’Université du Maryland à College Park. Elle dirige maintenant la firme privée de consultants Syn Alia Animal Training Systems. Madame Cover possède une formation et a suivi un programme d’accréditation en entraînement « pont et cible ». Elle a rédigé un manuel qui explique comment et pourquoi cette méthode fonctionne. Madame Cover travaille actuellement aux projets suivants : apprendre à un porc à lire l’anglais, développer un programme permettant d’entraîner des chevaux de dressage sans s’épuiser et travailler avec la méthode « pont et cible » auprès d’enfants handicapés. Vous pouvez joindre madame Cover au 757 588 5967 pour discuter avec elle ou lui poser vos questions.

Copyright Kayce Cover 1994-2006